L'extension de l'entreprise Bata

Focus > L'extension de l'entreprise Bata

Par Antoine Brichler, le 25 Juin 2019

Les années 1930 marquent le début d'une première phase d’extension de Bata. L’entreprise choisit de s’installer dans des endroits spécifiques, à la fois pour des raisons topographiques mais aussi économiques, s’implantant dans des endroits touchés par un fort chômage [1]. Bata choisit également souvent des pays qui administrent des territoires coloniaux. L'accès aux matières premières est ainsi facilité [2]. De plus, en s’installant au sein d’un pays étranger, la compagnie évite de nombreux frais douaniers.

Quand Bata lance son extension, l’entreprise a déjà l’expérience de Zlín, ville industrielle tchèque qui existe avant la création de l’usine mais dont le développement se corrèle à celui de la firme. Rapidement, l’entreprise marque la ville avec des bâtiments emblématiques qui se retrouveront ensuite dans toutes les villes-usines (villes construites pour et par l’industrie) aménagées par Bata. Ainsi, plusieurs batavilles sont construites en parallèle, dont une en France (cf. tableau 1).

Pays   Nom de l’entité politique (nom de la ville-usine quand il existe) Date d’achat du terrain Superficie Nombre d’habitant avant Bata, Recensement aux dates les plus proches Date de fin
USA Belcamp 1930 809.37 hectares (2000 acres)   2000
Allemagne (Pologne actuelle) Ottmuth (alld.) ; Otmet (pl.) 11/1930 650 hectares 1260 (1933) 1939
Canada Frankford (Batawa) 08/1931 609 hectares   1999
Pologne Chelmek 1931 946 hectares 1669 (1938), 2585 (1942) 1939
Suisse Möhlin (Bata Park) 09/1931 4 hectares 2209 (1900) 1990
France Moussey et Réchicourt-le-Château (Bataville) 10/1931 457 hectares 0 (1930), 985 (1953), source Bata 2001
Royaume Uni East Tilbury 03/1932     2006
Pays-Bas Best (Batadorp) 01/1933 160 hectares 2502 (1900), 5510 (1940), Estimation 5000, Entretien avec la municipalité de Best Encore en activité

Tableau 1 : présentation récapitulative de quelques batavilles (liste non exhaustive)

La dénomination de ces territoires créés par l’entreprise Bata autour de ses usines peut varier. Parfois, le nom du territoire créé dérive du nom de l’entreprise (Bata plus un suffixe), alors que d’autres fois, le site utilise le nom seul de la commune ou de la municipalité. En cas de création d’un nom spécifique, celui-ci a été retenu. Si aucun nom spécifique n’a été créé, le nom de la commune est utilisé. Détaillons maintenant quelques exemples de villes-usines Bata :

Batadorp (Pays-Bas)

title

Figure 1 : Best avant Bata

En 1933, la firme décide de s’installer au Pays-Bas, sur le territoire de Best. C’est une zone marécageuse, insérée entre le tissu urbain de la commune de Best au nord et celui du village d’Acht au sud (cf. figure 1).

L’endroit choisi est situé au croisement de deux canaux, le Wilhelminakanaal, et le Beatrixkanaal. L’usine prend le nom de Batadorp, « dorp » voulant dire ville ou village en néerlandais.

Bata Park (Suisse)

title

Figure 2 : Möhlin avant Bata

L’installation de Bata Park (park signifiant parc en allemand et en anglais) s’effectue dans la périphérie d’une ville ayant déjà une activité économique avec la Saline de Ryburg toute proche. Contrairement aux autres installations Bata, le site n’intègre pas de jonction fluviale ou de liaison avec le chemin de fer. Cependant le Rhin et un canal sont à proximité mais aucune installation portuaire n’est envisagée (cf. figure 2).

East Tilbury (Royaume-Uni)

Batafactory 1932

Figure 3: East Tilbury avant Bata

Quand Bata décide d’installer sa Batafactory en 1932, East Tilbury est un village comprenant une fortification militaire, le fort de Coalhouse, protégeant l’entrée de la Tamise de la flotte française (cf. figure 3). L’endroit est très rural, l’activité économique est basée sur l’agriculture et la vie militaire locale.

Bataville (France)

Batafactory 1932

Figure 4 : Moussey et Réchicourt-le-Château avant Bata

L’entreprise Bata s’installe au début des années 1930 sur le territoire mosellan. Le site est isolé des grands centres urbains (c’est une volonté des dirigeants), de manière à être loin des grands centres syndicaux et s’assurer une main-d’œuvre locale [3]. À cette époque, le futur secteur de Bataville est rural (cf. figure 4). En 1931, la population combinée de Réchicourt-le-Château et de Moussey est de 834 habitants. Si on ajoute la population de Maizières-lès-Vic (commune qui a absorbé la commune d’Hellocourt en 1885), alors l’ensemble atteint le nombre de 1 491 personnes.

L’ancienne commune d’Hellocourt a un passé particulier ; en effet c’est la seule entité de cet espace à avoir connu une activité industrielle avant Bata, activité basée sur l’agriculture. En 1890 [4], l’ingénieur Wilhem Lorenz a acheté l’ancien domaine féodal au comte de Villate pour bâtir un complexe agroalimentaire (spécialisé dans la pisciculture, les produits étant expédiés jusqu’à Berlin).  Ce domaine existe toujours de nos jours, et durant la période Bata, il a fourni une grande part des denrées alimentaires de Bataville.


Bibliographie, sitographie

[1] Victor Munoz Sanz, 2015, Networked Utopia en Red, Arquitectura y Urbanismo de las Ciudades Satélite de la Bata Shoes Compagny, 1930 al Presente, Tesis Doctoral.

[2] Bosma, K., 1993, Ruimte voor een nieuwe tijd: vormgeving van de Nederlandse regio 1900-1945, Rotterdam.

[3] Schreiber E., 1934, « Trois entretiens sur la démocratie. Les principes et les réalisations des frères Bat’a », L’Illustration, 19 mai 1934, n°4759, pp.85—89.

[4] Hellocourt, Histoire du domaine, [Lien], consulté le 24/04/2017

Stâmi galerie ve Zline, 1998,  Satellites of the functionalist Zlin, Projects and construction of ideal industriel towns Bata compamys factory complexes and residential quarters, Zlin, édition Stâtm' galerie ve Zline.

Préc. Suivant